dimanche, janvier 16, 2005

Pierre

Peintre. Écrivain. Écorché. Insatiable. Dérouté. Douleureux.
J'ai déjà écrit ici sur mon ami Pierre. Je ne me résoudrai jamais à le résumer.

Il s'est enfui un jour de printemps. Il y a douze ans. Il a galèré un mois en France, puis il s'est rendu à Bruxelles, et de là à Ostende. Parce que Ferré.
"Comme à Ostende et comm' partout. Quand sur la ville tombe la pluie. Et qu'on s'demande si c'est utile. Et puis surtout si ça vaut l'coup, Si ça vaut l'coup d'vivre sa vie." (Comme à Ostende, Paroles J-R Caussimon)

Avant de se jeter à la mer (il ne savait pas nager), il a posté un cahier, le journal en fait, de son dernier voyage. J'ai fini par en hériter. Il en a peint la couverture. Au travers des pages, des morceaux d'images collés, des billets de train, fragments de cartes, entrées de Musées... Des dessins. D'autres écrits griffonnés sur des nappes en papier...



"Il dit que ça a assez duré(...) Que c'est asez donc. Qu'il a fait le tour du jardin. Qui lui restera à jamais étranger" (Québec le 6 mai)

"Il dit que c'est la mèche qui manque. Pas le feu." (Paris, le 29 mai)

Le texte est bouleversant. Pierre écrit tout à la troisième personne. Au bout de quelques jours, il s'en explique:

"Il dit qu'il aurait pu laisser tomber la première personne, il y a longtemps. Que le temps où il l'a utilisé est du temps perdu. Mais que le temps perdu n'est jamais vraiment une perte. Il dit que la première personne est celle qu'il vaut mieux quitter la première. Qu'on quitte ensuite les autres sans douleur." (Aix, le 17 mai)


Et pourtant, il brûle de douleur. La raconte. Pleure. Change les noms des villes (Pira,Russel, Stend). Celui des femmes qu'il a aimé. Seuls trois de ses amis, Louis, Jean-Marc et moi, sommes nommés tel quel. Une fois. Au bas de quelques pages, l'écriture vacille et s'arrête. Ivre. Sûrement. À droite de la feuille sur laquelle il a collé un morceau déchiré de son billet de train pour Ostende, il écrit:

"Il dit que ça la lui a donné un coup lorsqu'il a demandé un aller pour Stend et que le préposé lui a dit: "Vous ne revenez pas?"
(Bruxelles, le 7 juin)

Les dernières lignes:

"Il dit qu'il aurait préféré un jour de pluie. Il dit qu'il a assez fait durer. Il dit qu'il a assez duré."

Je me suis promis qu'un jour je le ferai publier. J'ai bien l'intention de tenir ma promesse.

Auto-portrait, crayonné sur une feuille, qu'il m'a laissé un jour en visite à Paris, en guise d'au revoir.

P.S. Pourquoi raconter tout çà? Ici? Parce que c'est ce qu'il m'a demandé. C'est ce qu'il a écrit. C'est pour ça qu'il a envoyé le cahier. Il y a longtemps déjà. Trop.

"Il dit qu'il voudrait que les mots passent par les amis.Pour les authentifier. Il dit qu'il ne sait pas ce qu'il en sera." (Aix,le 18 mai)

4 Commentaires:

Blogger Catherine a répondu...

...
J'ai répondu ailleurs, ça dépassait les limites d'un cadrage de commentaire asseptisé.

5:41 p.m.  
Blogger Linda a répondu...

Le plus fort c'est mon Pierre (presque paroles de Lynda Lemay).

Fort il a dû l’être puisqu’il a aimé.

Ce jour-là il pleuvait quelque part dans le monde mais il était incapable de voir le monde parce qu’il pleurait trop…

7:23 p.m.  
Blogger Coyote inquiet a répondu...

Triste.

6:06 p.m.  
Blogger La Souris & Myrrha a répondu...

Ça devrait être publié...

7:51 p.m.  

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B.H.

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