lundi, mars 27, 2006

Le miel de la vie

(Texte soumis au collectif d'improvisation écrite "Coïtus Impromptus" . La semaine dernière le thème était: "Le miel de la vie".)


Les tablettes chambranlantes qui tapissent les murs de l'arrière-boutique croulent littéralement sous les pots, tubes et autres contenants hétéroclites aux noms plus étranges les uns que les autres.

"Moelle de wapitti"." Beaume de calendula"."Trans-essence de luciole", cotoyaient d'autres étiquettes incompréhensibles ou dont l'alphabet même lui est inconnu. Mal à l'aise dans l'atmosphère confinée, il se retourne vers le commerçant taciturne.

-"C'est…C'est pour.. Euh…"

Il dégluttit péniblement, horriblement gêné de devoir s'ouvrir de ses problèmes intimes devant un parfait inconnu.

-"C'est pour ma femme..Enfin, je veux dire…pour nous deux.. Euh…notre couple.. Voyez-vous c'est que…"

Du coup il ne s'arrête plus. Déballant tout d'une voix fébrile. La monotonie, le désir disparu, l'indifférence de Rachèle,ses soupçons d'un autre….

-"On m'a dit…On m'a dit que vous aviez des choses…Des choses miraculeuses… Je…"

Un geste brusque du vieil homme l'interrompt. Au travers de l'invraisemblable étalage, il saisit un petit flacon et lui tend sans un mot. Sur l'étiquette jaunie, que quatre mots: "Miel de la Vie".

- "Vous êtes sûr que…"

Un regard glacial le fait taire à nouveau.

- "Combien?"

Le vieux ouvre la main. Trois doigts…

-" Ce n'est pas cher, je vous…"

-" Cent…" laissa tomber l'autre.

- "Trois cent? Mais je n'ai pas…je veux dire, je n'ai pas tout cet…"

L'autre fait mine de reprendre le flacon.

-"Non! Attendez! Je…"

Il serre le flacon très fort dans sa main, cherchant désespérément une solution.
L'homme s'approche de lui et à nouveau tend la main, mais pour palper le tissu de son manteau d'un geste connaisseur. Et encore une fois sans mot dire, fait un geste d'échange.

- "Mon manteau? Mais il vaut plus que ça et il neige plein ciel dehors!"

Silence.

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Il s'enfuit maintenant dans la bourrasque, serrant d'une main le col relevé de sa chemise autour du cou pour se protéger des rafales, l'autre enfouie dans une poche, entourant le petit flacon.


Une lueur d'espoir un peu folle dans les yeux, et un vague sentiment de malaise au ventre.

"Si on oublie le passé, on ne peut comprendre le présent.
Encore moins appréhender le futur."
B.H.

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