Ici Radio-Cane....
Vendredi, 17h00. Je sors de la Salle des Nouvelles. "Quelque chose" se promène au milieu du stationnement. Intrigué, je m'approche. Je n'ai pas la berlue. Une cane déambule, suivi comme par un élastique invisible d'un groupe compact… de douze canetons!
Mais d'où sort-elle cette famille? On est en plein centre-ville! Et manifestement Madame Mère sent le fleuve pas très loin. Fleuve qui est tout de même de l'autre côté d'un boulevard à cinq voies, au-delà du chantier de construction en face.
Je tente de dévier la procession. Mais chaque fois, la smala reprend la direction du trottoir qui borde le boulevard. Où, dois-je préciser, tous les banlieusards motorisés foncent comme des fous vers leur week-end.
Deux collègues m'ont rejoint. Tant bien que mal, nous faisons reculer la famille, qui revient sans cesse à la charge. Nos téléphones appellent à l'aide. La SPA (Société protectrice des animaux) la Ville, le Ministère de la Faune, etc.. Personne, ou alors une consigne: "laissez faire, elle trouvera son chemin."
Sauf que "son chemin", elle vient de mettre les pattes dedans (avec les douze autres bébés) et que 2000 bagnoles sont sur le point d'en faire un magret mal cuit! Je m'interpose, tente de faire dévier le flot des voitures… qui ne coopèrent pas vraiment.
Nous réussissons à faire remonter mère et rejetons sur le trottoir. Je les guide vers l'intersection plus loin. Il y a un feu rouge, si on contient bien la procession peut-être pourrons-nous réussir à leur faire franchir le couloir fatal.
Mais après avoir traversé la première rue, la cane affolée, se terre sous une voiture stationnée, et c'est le drame.
Sous la voiture une bouche d'égout, dont le couvercle est en fait une grille aux larges ouvertures béantes. La cane tourne en rond, ses petits collés au train, et je vois un après l'autre, les oisillons tomber dans les interstices de la plaque d'acier! Les douze y passent! On les entend piailler au fond, pendant que la mère complètement folle se lance au milieu de la rue, revient sur la grille et repart de plus belle….
Consternés, mes partenaires et moi avons l'impression de lui avoir plus joué un mauvais tour que de l'avoir aidé.
Nouvelle "attaque" téléphonique et cette fois, les choses bougent. Les policiers arrivent. Bloquent la rue, établissent un périmètre autour de la cane pour qu'elle se calme. La SPA annonce son arrivée, la Ville envoie des cols bleus pour ouvrir la grille. Le plan est simple, la SPA va capturer la cane, la grille sera ouverte et les oisillons qui flottent au fond de l'égout, repêchés.
Je suis parti avant l'arrivée de tout le monde, le jeune policier m'assurant que sa voiture restait en travers de la route et qu'il ne bougeait pas avant que tout soit rentré dans l'ordre.
"Je suis gaspésien, j'aime la nature…"
On était quelques-uns ce soir à vouloir que la nature et ses enfants ne soient pas encore une fois broyés par le monde d'acier que nous avons créé.
Et pour une fois, ça a marché….